La comtessa de Dia si fo moiller d'En Guillem de Peitieus, bella domna e bona. Et enamoret se d'En Rambaut d'Aurenga, e fez de lui mantas bonas cansos.

 

" La comtesse de Die fut l'épouse du seigneur Guillaume de Poitiers, belle et bonne dame. Elle s'enamoura du seigneur Raimbaut d'Orange, et fit sur lui maintes bonnes chansons ". 

 Cette " vida " est la seule mention claire et plausible qui nous soit parvenue sur le personnage mystérieux de la comtesse Béatrice de Die, bien que la vida en question ait été écrite, comme pour la plupart des troubadours, au siècle suivant leur vie réelle. Les autres sources sont encore plus tardives et ont plus de risques de s'éloigner des réalités, en l'absence de documents irréfutables. Malgré les nombreuses recherches des musicologues, le personnage reste enrobé de mystère, et l'essai d'identification de Janine Monier, cité en référence, se raccroche finalement à la vida, source la plus proche de l'époque évoquée.
Pour augmenter notre frustation, seulement quelques poèmes de Béatrice de Die nous sont parvenus, dont un seul avec sa musique:
" A chantar m'er de so q'ieu no volria, tant me rancur de lui cui sui amia..."

 Il me faut chanter ici ce que je ne voudrais point chanter
Car j'ai fort à me plaindre de celui dont je suis l'amie
Je l'aime plus que tout au monde
Mais rien ne trouve grâce auprès de lui
Ni Merci, ni Courtoisie, ni ma beauté, ni mon esprit,
Je suis trompée et trahie comme je devrais l'être
Si je n'avais pas le moindre charme.

Une chose me console: jamais, je n'eus de torts
Envers vous, ami. Je vous aime, au contraire
Plus que Seguin n'aima Valence
Et il me plait fort de vous vaincre en amour,
Ami, car vous êtes le plus vaillant de tous.
Mais vous me traitez avec orgueil en paroles et en actes,
Alors que vous êtes si aimable envers d'autres.

Je suis surprise de l'arrogance de votre coeur,
Ami, et j'ai bien sujet d'en être triste
Il n'est point juste qu'un autre amour vous éloigne de moi
Quel que soit l'accueil qu'il vous réserve,
Qu'il vous souvienne du début
De notre amour. A Dieu ne plaise
Que par ma faute il s'achève.

La grande vaillance qui loge en votre coeur
Et votre grand mérite me sont sujets de tourments,
Car je ne connais point dame , proche ou lointaine,
Et en désir d'amour qui vers vous ne soit attirée
Mais vous, ami de si bon jugement,
Vous devez bien reconnaître la plus sincère
Ne vous souvient-il pas de nos jeux-partis?

Ma valeur et mon lignage, ma beauté
Et plus encore la sincerité de mon coeur, doivent me secourir
C'est pourquoi je vous envoie, là-bas,
Cette chanson qui me servira de messager
Je veux savoir, mon bel et doux ami,
Pourquoi vous m'êtes si dur et si farouche,
Est-ce orgueil ou indifférence?

Mais je veux, messager, que tu lui dises
Que trop d'orgueil peut nuire à maintes gens.

Le miracle est que cette seule chanson, belle et poignante, suffise pour maintenir la célèbrité du personnage et l'admiration des amoureux du répertoire troubadouresque...La redécouverte de cette oeuvre n'est pas aussi récente qu'on le pense parfois, puisqu'au XIXeme siècle, les félibres de la Drôme rendaient hommage à la trobairitz. Ainsi, le 10 août 1888, une statue fut inaugurée en son honneur dans la ville de Die, avec discours de Maurice Faure, député de la Drôme. Cette statue, oeuvre d'imagination de Mme Clovis Hugues, est toujours visible sur une jolie petite place de la ville, où l'accompagnent le chant des oiseaux et le murmure d'une fontaine. Lors de l'inauguration, des félibres lui dédièrent des odes enflammées dont voici un court extrait:

 " Belle damo de Dio, estello de l'amour,
Toun front seren e pur clarejo coume uno aubo,
La garbo de toun pèu qu'oundejo sus ta raubo
Nous embaumo lou cor coume un jardin en flour"
( Felix Gras )

" Belle dame de Die, étoile de l'amour,
Ton front serein et pur rayonne comme une aube,
La natte de tes cheveux qui sur ta robe ondoie,
Nous embaume le coeur comme un jardin fleuri "

 

 

 DESSIN DE 1888

 

 PRINTEMPS 2000

 Cliquez sur l'ange harpiste pour entendre la chanson "A chantar m'er de so q'ieu no volria"
( chant: Geneviève Judes )

Lecteur winamp téléchargeable à:
http://winamp.com
 

BIBLIOGRAPHIE
Sur le "mystère" Béatrice de Die, on peut consulter la publication suivante, qui fournit également d'importantes références bibliographiques:
Janine Monier. Essai d'identification de la comtesse de Die.
Société d'archéologie et de statistique. LXXV. Volume 1962 n° 346 

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