Les Cantigas de Santa Maria constituent une des plus vastes compilations de thèmes musicaux qui nous soit parvenue en provenance du XIIIeme siècle. Cette page se propose de présenter un bref historique de leur composition, et d'en donner quelques exemples, renouvellés périodiquement. Il suffit de cliquer sur l'un des Nos pour faire apparaître enluminures , texte résumé et musique .

 
 C.58.  C.166.   C.103.  C.10.  C.189  C.384
 
 

 

 

SENS DU TERME "CANTIGA"

Sens de chanson monophonique espagnole. Les mots "cantiga", "cantica", "cantar", ont été trés employés dans la péninsule ibérique jusqu'au milieu du XVeme siècle.Les cantigas pouvaient appartenir à des genres divers : amour courtois, satire, grivoiserie, mystique.C'est bien entendu à cette dernière catégorie qu'appartiennent les Cantigas de Santa Maria.
C'est le roi de Castille Alfonso el Sabio ( le savant, ou le sage ), à la tête d'une équipe d'artistes, qui a élaboré cette oeuvre monumentale entre 1250 et 1280 environ. Le roi Alfonso expose son dessein dans le prologue qui ouvre la série des 426 cantigas:

 " L'art du troubadour exige de l'entendement et de la raison, et bien que je ne possède pas ces facultés au degré que je voudrais, j'espère que Dieu me permettra de dire un peu ce que je désire. Et ce que je désire, c'est que la Vierge fasse de moi son troubadour."
Oeuvres mystiques mais non destinées à la liturgie, ces oeuvres s'interprètaient peut-être lors de diverses festivités, parfois accompagnées de danses comme le montre l'enluminure ci-contre,issue de la cantiga 120.

 

L'AUTEUR:

Alfonso X. 1221-1284. Fils aîné du roi Fernando ( le saint ) et de Béatrice de Souabe, le roi Alfonso hérite de son père les vertus de prudence et un grand mysticisme, tandis que sa mère lui transmet la passion des Hohenstauffen pour les travaux intellectuels.
Personnage légendaire, parfois controversé, sa riche personnalité aux multiples facettes lui a valu quelques critiques et incompréhensions. En tant que roi, il dut faire face à de nombreuses luttes et intrigues au sein des différents royaumes qui constituaient alors la péninsule ibérique. En outre, il avait à poursuivre la guerre de reconquête contre l'occupant arabe, s'illustrant notamment lors de la prise de Murcie, Niebla, Cadix.
Pressenti pour devenir empereur du Saint Empire Germanique, il renonça finalement à ce projet. Plusieurs évènements assombrirent son règne: mort de son fils aîné, trahison d'un autre fils qui pactisa avec l'ennemi. Il est vrai que les alliances entre royaumes se faisaient ou se défaisaient sans toujours être en rapport avec les religions des princes concernés.
Alfonso X entreprit de nombreux travaux scientifiques et artistiques dans des domaines trés divers: juridique, historique, sciences naturelles, astronomie. Sa passion pour cette dernière lui a valu ces boutades: " ainsi, l'on a dit qu'à force de regarder le ciel, sa couronne lui tomba de la tête ", ou " qu'à tant contempler les étoiles, ce ne fut plus lui qui gouverna, mais elles ".
Les principaux travaux du roi Alfonso comprennent: Une histoire universelle, des écrits sur les lois juridiques, des livres d'astronomie, renfermant les "tables alfonsines", un livre sur les jeux, un "lapidaire", décrivant les propriétés des différentes pierres, un recueil de chansons satiriques, et enfin, l'oeuvre monumentale des "Cantigas de Santa Maria".
Pour leur élaboration, Alfonso X avait rassemblé une importante équipe de savants, poètes,musiciens, scribes et enlumineurs. Le roi coordonnait l'ensemble tout en y participant activement. La cour de Castille permettait en outre de grandes possibilités d'interprètation des cantigas: en effet, un document daté de 1293, donc peu de temps après la mort du roi Alfonso, recense 26 artistes salariés, chrétiens, arabes et juifs confondus, dont des danseuses.Par ailleurs, plusieurs troubadours ont séjourné à la cour du roi et ont sans doute apporté leur concours à la vaste entreprise.
A propos des conditions d'élaboration des cantigas de Santa Maria, le musicologue José Filguera Valverde évoque ainsi l'ambiance probable de l'entreprise: "On peut parler ici d'un étonnant pluralisme idiomatique, culturel, religieux, rassemblé dans un esprit d'oecuménisme et d'universalité assez exceptionnel". Un autre musicologue espagnol, H.Anglès, parle des influences probables de différentes origines: Hispaniques anciennes, arabes, hébraïques, celtiques,...
A la fin de ce travail considérable, dans la dernière cantiga, le roi conclue ainsi sa démarche:
" Je finis d'assembler ces chants qui racontent,Vierge, tes miracles. Je te demande de prier pour moi ton fils, Dieu, qu'il me pardonne les péchés que j'ai commis et qui sont nombreux..."

 

LES MANUSCRITS

Quatre manuscrits rassemblent les Cantigas de Santa Maria: 3 se trouvent en Espagne, le quatrième en Italie.Ces manuscrits se recoupent plus ou moins.
E, ou JB2: Bibliothèque de l'Escorial, Espagne.
T, ou TI1: Bibliothèque de l'Escorial, Espagne.
To: Bibliothèque Nationale de Madrid.
F: Bibliothèque de Florence. 

 Dans ces manuscrits, de grande taille, on trouve, classés par ordre numérique ( chiffres romains ), des cantigas de louange, ( tous les multiples de 10 ), tous les autres Nos concernant des cantigas narratives, qui sont comme des fables mystiques racontant des miracles de la Vierge. Le manuscrit E, ou JB2, contient 401 cantigas et tous les multiples de 10, les fameuses enluminures représentant des musiciens jouant une grande variété d'instruments.Le manuscrit TI1 contient 195 cantigas, chacune accompagnée de riches enluminures illustrant les récits à la manière des bandes dessinées, ainsi qu'on peut le voir ci-contre.

 

La langue utilisée ici est le galicien, langue de la poésie lyrique alors en usage dans la péninsule ibérique. Le roi Alfonso maîtrisait cette langue de même que le castillan, langue "officielle".
Tous ces textes sont en vers, avec une grande variété de métriques.

SOURCES MUSICALES

Le roi a sans doute composé certaines cantigas, mais il semble que de nombreux thèmes musicaux ont été recueillis par une prospection dans différentes régions d'Espagne et des pays voisins. Ainsi, l'on a pu repérer quelques thèmes d'origine troubadouresque.

SOURCES POETIQUES

Le XIIeme siècle voit se développer dans toute la chrétienté un culte fervent pour la Vierge Marie. De nombreux textes racontant des miracles réalisés grâce à son intercession sont recueillis par les savants collaborateurs du roi Alfonso dans des manuscrits en langue latine ou romane, originaires des monastères d'Espagne et d'autres pays: Laon, Chartres, Rocamadour, Canterburry, Soissons. c'est d'ailleurs à Soissons que se trouve le trouvère Gauthier de Coincy, auteur de chansons et de récits de miracles.

 

ELABORATION DES CANTIGAS DE SANTA MARIA

Après avoir recueilli toutes ces mélodies ainsi que les récits de miracles, il convenait d'en faire une synthèse, par une versification de chaque récit, adaptée à la mélodie choisie pour s'y associer.Le travail suivant consistait à matérialiser sur manuscrits les cantigas ainsi élaborées, grâce à l'intervention de 4 groupes de spécialistes:
Lettristes
Miniaturistes
Traçeurs de portées musicales
Noteurs des musiques

CONTENU NARRATIF

En l'absence d'une compréhension directe du galicien médiéval, il est évident que la poésie des textes de cantigas se trouve trés altérée par la traduction, nécessaire pour en saisir le sens. Néanmoins, le charme naïf de ces récits, où la Vierge intervient comme une bonne fée, accourant au secours des humains en proie à de multiples dangers est toujours sensible au travers des symboles. Et la musique, toujours attachante et atteignant parfois au sublime, aide à retrouver l'émotion que suscitent ces oeuvres où l'on retrouve le goût du merveilleux propre à l'époque médiévale.

 

 BIBLIOGRAPHIE
 

 Anglès Higinio. La musica de las Cantigas del rey Alfonso el Sabio.
Barcelone Biblioteca central.T.1 1954. T.2 1943. T.3 1958
Mac Millan. Grove dictionary. vol.3 Londres 1980
Valverde José Filgueira. Cantigas de Santa Maria. Ed. Castalia " ordres nuevos" Madrid 1985.

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